Dans une époque de reconstruction, le traitement de la réédification d'Oradour fait appel à des mesures d'exception, la nation supportant le coût de la reconstruction dans son ensemble. Il faut replacer cet évènement (en 1947) dans son contexte, le pays vit péniblement la sortie de la guerre. La pénurie alimentaire est une dure réalité avec le rationnement du pain et de la plupart des produits. Les conflits de décolonisation prennent une importance particulière ; la guerre d'Indochine nécessite l'envoi de renforts militaires. La situation internationale bascule dans "la guerre froide".

 

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Il faut ainsi prendre le contexte de tous ces évènements pour le discours de Vincent Auriol (Président de la République) au sujet de la reconstruction d'Oradour : [...] "Par la reconstruction de votre village, qu'il faut élever à côté de votre village ancien dont les ruines seront le témoignage et une leçon, qu'on apprécie donc ce que coûtera la reconstruction de toutes les villes et de tous les villages détruits, de notre économie disloquée, de notre agriculture anémiée, de notre industrie pillée..." Le drame et l'horreur des évènements du 10 juin 1944 ont fondé une situation d'exception immédiate. Alors que le Président de la République parle d'un financement intégral, très vite apparaissent des problèmes financiers : les crédits disponibles ouverts aux dommages de guerre ne suffiront pas. En 1949, le processus de construction du nouveau bourg débute en dépit des problèmes de budget. Contrairement à des villes fortement détruites et reconstruites sur leurs ruines (Saint-Nazaire, Lorient, Saint-Lô), Oradour est reconstruite à côté de ses ruines.

 

La construction du nouveau bourg par l'Etat doit avoir un caractère d'exemplarité. Il est entendu que les ruines devenant un lieu de pélerinage, les constructions remplaçantes apparaissent aux visiteurs comme un village modèle, indiquant ce que la pays est en mesure de réaliser. Il faut que le bourg soit l'équivalence de l'ancien, pour reproduire "les aspects pittoresques de l'ancien bourg limousin". Un projet d'ensemble est adopté mis à part les deux édifices principaux : la mairie et l'église qui de par leur aspect ne s'inscrivent pas dans l'architecture locale.

 

Il faut préciser que contrairement à certaines villes, pour des raisons de contexte, la mouvance n'est pas à la reconstruction à l'identique. L'exemplarité n'intervient pas au nom d'une recherche expérimentale d'un nouveau type d'habitat. L'exemplarité se traduit par la maîtrise et le contrôle de la réalisation par l'Etat.

 

Le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme nomma quatre architectes : Charles Dorian, architecte en chef chargé d'établir le plan de remembrement et d'aménagement du nouvel Oradour, André Campagne, qui réalise les plans de la mairie et de la poste, Robert Mandon-Joly ceux du groupe scolaire et Paul Villemain ceux de l'église. Des réactions locales critiquent cette nomination d'architectes parisien. Alors, des architectes locaux sont appelés à participer à la reconstruction, mais ceux-ci n'interviennent que pour les logements.

 

Un projet d'ensemble se dégage, on retrouve des constantes d'une maison à l'autre : la hauteur ne dépassant pas un étage, le traitement du soubassement en moellon équarris, la surrélévation du rez-de-chaussée, la toiture en tuile du pays et la décoration des corniches. La décision de recouvrir les murs d'un crépis gris homogénéise le tout. La couleur sera longtemps considérée comme interdite malgré l'absence d'une prescription.

 

Les édifices principaux sont dégagés du tissus urbain, créant des espaces urbains ou espaces verts. Leur taille est fortement augmentée, leur aspect ne fait pas référence au vocabulaire de l'architecture régionale. Les écoles sont réunies en un seul bâtiment qui reflète certaines caractéristiques du mouvement moderne : registre horizontal, fenêtre en longueur. Cet édifice parait démesuré, d'autant plus que le massacre a fait périr la presque totalité des enfants de la commune. La grandeur se retouve dans l'église et la mairie. Cette dernière devient un édifice de représentation, avec de randes hauteurs sous plafond, avec un escalier monumental, un balcon sur la place, le tout dans un style emprunté à l'architecture civile classique.

 

Quant à l'église, un plan carré est choisi et son implantation est faite à l'entrée du bourg sur les bords d'un plateau. Elle domine et annonce le bourg lorsqu'on vient de la route de Limoges. Elle devient un signal.

 

Le plan des habitations découle du dessin d'ensemble desf açades traitées de manière homogène. La construction du nouveau village se fait sans la participation des habitants. D'une manière plus forte, conçue sans ses habitants, la reconstruction du bourg s'adresse avant tout aux visiteurs, "aux pélerins" de la mémoire.